Sur l’aéroport d’affaires Al Bateen d’Abu Dhabi, il est 4 h 30, ce 2 mars et l’équipe de « Solar Impulse » est encore un peu vasouillarde. Mais Bertrand Piccard a déjà les yeux qui brillent. Et il y a de quoi. Ce matin, il effectue son premier essai avant le départ. L’aboutissement d’une aventure entamée il y a douze ans.
Si l’avion ne rencontre aucun problème technique, il ne restera plus qu’à tester une dernière fois les batteries, et ce sera un « go » pour le premier tour du monde en avion effectué uniquement grâce àl’énergie solaire. Ultime check-list. Le directeur de vol énumère à Bertrand les points importants à surveiller. L’équipe de « Solar Impulse » n’est plus dans son nid de Payerne (Suisse), où sa liberté d’action était totale. Ici, aux Emirats arabes unis, il faut composer avec les autorités locales. « Nous avons une autorisation de vol jusqu’à minuit aujourd’hui, mais pas au-delà. – Ah !, s’amuse Bertrand Piccard. Et si je suis encore en l’air à minuit, je fais quoi ? – Tu évites les zones de survol interdites, et il y en a plein. Des raffineries, essentiellement. – Surtout les raffineries ! » s’esclaffe Piccard.
Inutile de faire de la provocation. « Solar Impulse » décolle aussi afin de démontrer que le temps est compté pour les énergies fossiles, le trésor des monarchies du Golfe… Même si, précise Piccard : « Abu Dhabi est un pays qui se diversifie vers les énergies propres et renouvelables, capable de produire, grâce au solaire, une électricité désormais moins chère que celle fournie par le gaz ». La situation géographique de ce petit émirat est idéale pour « Solar Impulse ». Ensoleillé en permanence, il permet d’arriver en Inde puis en Chine assez tôt dans l’année, et de boucler le tour du monde au même endroit dans des conditions optimales.
Impatient, Bertrand Piccard s’est dirigé vers le cockpit. Hier, c’était son anniversaire et, ce matin, il a son cadeau entre les mains. Au pied de l’appareil, une dizaine de techniciens s’affairent à désengager celui-ci pour le guider vers le tarmac. Le hangar est aussi vaste qu’une douzaine de courts de tennis, mais sa porte est trop étroite pour « Solar Impulse » et ses 72 mètres de large. Il faut sortir l’avion de côté et le pousser, moteurs éteints, vers la piste. Depuis 2003, date à laquelle Bertrand Piccard a convaincu André Borschberg, l’autre pilote-ingénieur ayant cru en son projet, d’annoncer, sans le moindre fifrelin ni aucun partenaire, la construction d’un avion solaire pour faire le tour du monde (« Une fois que c’était dit, il nous était impossible de reculer », théorise Piccard a posteriori), la facture se monte à 150 millions d’euros.
par © Romain CLERGEAT / PARIS MATCH
Photos ©Francis DEMANGE pour PARIS MATCH
Solar Impulse 2, l’avion solaire du tour du monde.
Le plus grand avion du monde jamais construit pour un poids aussi faible. Son facteur de chargez est pourtant le meme que celui d’un avion de ligne.
Envergure de72 m, plus gandr que celle d’un Boeing 747 Jumbo Jet, afin de minimiser la trainee induite et d’offrir une surface maximale aux cellules solaires.
Poids d’une voiture : 2300 Kg.
Puissance maximale de 70 CV (4 moteurs de 17,5 CV).
Puissance moyenne sur 24 h d’une petite moto, soit 15 CV,
apres optimisation a l’extreme de toute chaine energetique.
17248 cellules solaires.
Altitude maximum : 8500 m (27000 ft).
Vitesse minimale de 20 Kts (36 km/h) au niveau de la mer et de 31,5 Kts (57 km/h) a l’altitude maximale.
Vitesse maximale de 49 Kts (90 km/h) au niveau de la mer et de 77 Kts (140 km/h) a l’altitude maximale.